Les joueurs d’échecs, puisqu’il convient de les appeler ainsi, sont, sous leur nom
générique (il pourrait aussi bien s’agir de bêtises de Cambrai qu’on n’en ferait pas cas,
sinon qu’on pourrait peut‐être déjà expliquer certaines de leurs déviances) une
catégorie rare d’insanité qui n’est pas enfermée dans les asiles psychiatriques.
Aura‐t‐on l’outrecuidance de me dire qui –sciemment – est capable d’une séquence
d’actions pareille dans un temps si court, sinon quelque cas d’un manuel en latin qu’on
n’ouvrirait qu’une fois tous les siècles ?
- ‐ Se lever à l’aube un dimanche matin de décembre
‐ Faire la sourde oreille à l’appel du lit, aimant comme rarement ce matin‐là
‐ Se sustenter si bien qu’il faille racheter quatre sandwiches et observer Philippe Glod à
la nuit tombée, en liesse, lancer dans le ciel les euros de notre faim (qu’on ne manquera
pas d’essuyer à la première minute une fois rendu chez nous)
‐ Se dire que si Billie Holiday chantait « Gloomy sunday », c’était pour rien
‐ Risquer sa vie ou à défaut une chute humiliante qui ne manquerait de faire rire
personne sauf vous et enfin :
‐ Aller aux échecs.
Voyez‐vous, tout ça pour ça. Et puis, ce trafic associatif ne peut‐être que celui d’un
dément ou encore un masochiste. « Où vas‐tu avec un temps pareil, et si tôt ? » (énoncé
porteur de deux problèmes pour le locuteur)
‐ Je vais aux échecs ! (que le fou dissout en répondant par ce qui semble LE réel
problème, auquel le locuteur n’a pas pensé sinon il aurait préféré commencer à trembler
plutôt que de poser la question) –A ce soir ! ‐
Alors le fou pense : je vais faillir avec entrain, et revenir. Quelle différence, gagner aux
échecs, ou perdre aux échecs ? Qui les en empêchera, dès lors, de se rendre au Vésinet
sous la neige ? Ni la ritournelle de Thomas Lemoine « Les parties sont terminées, vous
pouvez continuer à parler », ni les contes de Glod ni, à ce stade, les frères David (cousins
issus de Germain Nouveau des frères Grimm…)