Le jeu d’Echecs nous connaissons aujourd’hui eu une gestation fort longue. Vous en aviez eu un aperçu avec l’article sur le roque « à l’Italienne » tel qu’il fut pratiqué jusqu’en 1881 par nos voisins transalpins.
La transformation des règles en Espagne fut aussi « particulière »
En 2015 Stéphane Laborde, joueur parisien, a traduit le traité de Ruy Lopez de Segura, traité en date de 1561 et écrit en espagnol de la Renaissance (pas vraiment la tasse de thé pour la grande majorité des lecteurs de notre époque !)
Certainement le traité le plus important de cette époque, on y découvrira la première étude sur l’ouverture espagnole (évidement !!), ouverture toujours d’actualité de nos jours.
On peut découvrir dans le « Libro de la invencion liberal y arte del juego del Axedrez » de véritables « perles »
- Ainsi le roque (sans nom à l’époque) pouvait prendre plusieurs formes.
Le principe de base étant que le roi pouvait bouger de deux cases (pour ne pas faciliter notre compréhension Lopez écrit toujours « trois »……. Car il comptabilise la case de départ !!) lors de son premier mouvement (cela en ligne droite, en diagonale ou comme un cavalier …et cerise sur le gâteau par dessus les pièces ! Puis il met en place un second principe qui est que l’on ne peut déplacer deux pièces simultanément dans le jeu d’Echecs …les raisons ?…..religieuses et morales…. donc incompréhensibles pour le quidam du XXIème siècle. Il faut bien être conscient que Ruy Lopez avait voué sa vie à la religion catholique, il était en effet prêtre et confesseur du roi d’Espagne Philippe II et ne pouvait pas accepter des règles qui auraient pu aller « contre la morale » de l’époque (sic) pour appuyer son point de vue !!
Dans son traité il indique cependant que de mouvement des deux pièces simultanément existe en Italie (Remarque : et également en France d’après l’auteur Jean Louis Cazaux) surement un pays d’hérétiques ?!?!
En Espagne le roque se faisait donc en deux temps en ces temps lointains !
Par exemple :
Lors d’une partie le camp blanc pouvait jouer une Tour en f1 (si les cases f1 et g1 étaient vides), les noirs répondent par un coup et maintenant les blancs jouent 2R g1 !! ….voila donc un petit roque à la manière espagnole de la Renaissance Ou encore (si la case g2 pour le camp blanc était disponible) un premier coup Tour f1, les noirs jouent et maintenant les blancs jouent 2 Rg2 !! …..et voila !
- Il présente avec enthousiasme la « prise en passant » (tomar en la via littéralement « prendre sur la voie ») dont il fait la promotion tout le long du livre, alors qu’elle n’est pas jouée du tout en Italie où l’on joue à pasar batalla, c’est à dire à « passer », éviter la bataille »
La encore il trouve que « cela ne se fait pas »
Mais curieusement son traité contient les ouvertures ou la prise en passant s’applique et les mêmes ouvertures ou elle ne s’applique pas. …..surprenant !
- Encore plus surprenante est cette règle stipulant qu’un joueur qui met un échec à son adversaire doit l’annoncer à haute voix ! Sinon l’échec ne sera pas pris en compte (bigre !) …et la partie continuera comme si de rien n’était ….le roi sous le feu !!!
- Ruy López explique aussi une troisième fin de partie, disparue aujourd’hui, en plus du pat ( partie nulle) et du mat ( gain de l’un des deux camps) il évoque la « liquidation » (robado en espagnol)
Elle consiste à prendre la dernière pièce de l’adversaire: le roi adverse étant nu, la partie est arrêtée à ce moment et on considèrera qu’il s’agit d’une demi-victoire, ce qui induit le gain de la moitié des paris engagés sur la partie. (et oui l’argent ….déjà l’argent !!)
Cette fin de partie inusitée aujourd’hui implique des finales particulières, où par exemple avec Roi et Dame contre Roi et pion, pour gagner la partie il faut faire échec et mat sans prendre la dernière pièce de l’adversaire, le pion, ce qui implique de bloquer l’avancée du pion, de sorte que certaines positions de cette finale ne sont pas gagnables comme de nos jours.