Peu avant 16h, ce samedi, une agitation joyeuse règne dans la salle du combattant : c’est le bruissement léger, excité, des salles de concerts lorsque l’orchestre s’installe, ou celui des théâtres peu avant les 3 coups. Là, les bruits de chaises, les chuchotements, les murmures, les petits rires nerveux annoncent la mise en place d’une simultanée d’échecs. Le cérémonial est rodé car cet exercice se répète tous les ans.
Les participants choisissent leur échiquier pour être bien placé par rapport à la lumière, aux courants d’air. On choisit aussi son voisin, car on aimerait bien assister de près à un désastre plus cuisant que le sien. Ou on se met près d’un ami dont la proximité sera précieuse quand les choses se gâteront. Car c’est un supplice annoncé qui se prépare et pourtant les volontaires sont nombreux.
Certains s’étonnent d’avoir les noirs. On rappelle cet usage des couleurs et la règle que certains, invariablement, transgresseront selon laquelle on joue son coup au moment précis où l’officiant arrive devant soi. Quand le maestro s’avance, le silence se fait.
Face aux 16 échiquiers placés en ligne, Philippe Glod va passer et jouer, quasiment sans s’arrêter! Au début, la déconcentration est totale chez les participants tant la tension est grande! Et puis la magie des échecs opère. Le silence se fait plus profond. Il ne sera désormais rompu que par le bruit des coups et parfois une exclamation de dépit. Après un quart d’heure, les automatismes sont réglés et la séance devient hypnotique : le joueur qui se déplace, qui s’arrête un court instant, qui joue, qui se déplace à côté, qui joue, et puis, arrivé au bout, qui revient à pas rapides à l’autre bout et qui recommence. Parfois, une réflexion est plus longue mais ne trouble que peu le rythme.
Et puis ça devient un peu plus décousu car on commence à perdre. Au bout de 3/4 d’heure, plus de la moitié des participants a perdu! La grande technique de Philippe et la stratégie qu’il a mis en place pour cet exercice font merveille. Les échiquiers sont clairsemés mais à certains endroits on résiste. Ce que redoute celui qui donne la simultanée est arrivé! Un joueur d’un bon niveau a obtenu un avantage. Et le joueur est suffisamment expérimenté pour pouvoir l’emporter. En général, cet espoir est déçu car les échiquiers se vidant, l’officiant peut consacrer plus de temps à cette partie et arrive souvent à arracher une nulle, quand il ne retourne pas la situation. Mais là, point de salut, Philippe Clère gagnera. Ce sera la seule partie perdue par Philippe Glod.
Bonnes parties de François Barré, finalement victime de sa gourmandise alors qu’il avait échec perpétuel et de Thomas Balla et Jean-Miche Ravinet qui pouvaient aussi espérer la nulle grâce à des fous de couleurs opposés. Dommage aussi pour Mr Bastien qui fit un bon début mais ne vit pas un sacrifice de qualité fatal.
L’intérêt pour la simultanée ne se dément pas : certains, plutôt habitués à un cercle restreint d’adversaires, tâtent ainsi de la compétition avec stress et opposition extrêmement forte. Pour d’autres, plus expérimentés, c’est une bonne occasion de se tester officiellement contre des joueurs réputés beaucoup plus forts dans des circonstances un tantinet défavorables pour ces derniers, avec l’espoir de faire mieux que de résister.