Un sérieux général règne dans l’équipe du Vésinet. Celle-ci pressent le danger de ce match. Un danger aux joues roses et aux sourires spontanés. Des jeunes!
Le match nul de la jeune équipe parisienne contre Le Chesnay à la ronde n° 1, malgré un forfait, a alerté les gens du Vésinet, comme un tocsin.
Ce sont les mêmes parisiens qui sont là, avec leur naturel, leur talent tout neuf. Ils vont être opposés à des adultes bardés de Elo et d’expérience.
- Et cela commence bien pour les locaux, après quelques heures de tension générale : le 1er à rendre les armes, c’est l’adversaire d’Adeline. Très actif pourtant avec les noirs il se voit quelque peu rudoyé sur les fondamentaux. Cette partie, à l’échiquier 7 rapporte le 1er point au Vésinet. Le jeu solide d’Adeline a, soit induit en erreur les noirs, soit les a découragé. Le seul problème qu’elle a rencontré, la pression sur f2, a été réglé avec ce qu’il fallait de préparations et de vérifications.
A l’échiquier 5 Renaud avec les blancs est dans une partie agaçante avec des noirs qui semblent orchestrer les choses. A l’aile Dame il se fait reprendre son pion mais obtient l’avantage à l’aile roi. Il a en outre un pion passé au centre. Le jeune prend alors des risques pour profiter de la pression sur g4. Il envoie un cavalier dans la mêlée pour tout bousculer comme ça se passe autour du cochonnet dans des parties de boules en plastique sur les plages du Nord. Renaud perd. Egalité alors sur le match.
Marc avec les noirs finit par venir à bout de sa jeune adversaire (ils sont tous jeunes). Une très longue ouverture dans un gambit Morra. Le point focal est e5. Qui prend perd semble-t-il. On tourne et on contourne, on nace et on menace et le temps passe. Plus vite pour les noirs, qui finissent par perdre pour ne plus pouvoir trouver les coups dans la houle des 30 secondes. 2-1 pour le Vésinet
Eric a peut-être la plus dure partie du match avec un des adversaires les plus jeunes. Il a les noirs et rapidement un pion de plus. Cet avantage est bien dur à gérer. Il prend la forme du pion d6. Eric est sous pression. Il faut rendre le pion et ce faisant soulager la position. C’est là que ça ne va pas. Puis, à force d’énergie, de patience, survient l’embellie. Le jeune a mal évalué. L’avantage passe aux noirs. La ténacité d’Eric est récompensée. La ténacité, les jeunes l’ont aussi mais pas encore celle qui est associée à 50 ans d’existence, a des années d’autres batailles (oh faon!). Eric ensuite déroule, se délecte sans doute et apporte le 3ème point de l’équipe. Le score est de 3-1 pour le Vésinet.
Contrat rempli derrière. Sous la table d’analyse, rassuré par le score, un chien s’endort et se met à ronfler. L’arbitre, vigilant, va le réveiller en lui disant « dors ».
Devant, on veille au grain
- Une autre partie difficile, tout au moins vue de l’extérieur, se joue au 4eme échiquier. Jean-Jacques a les noirs contre un tout jeune garçon (tous jeunes!). Les blancs prennent g7. Les noirs prennent g2 avec une tour mais celle-ci sera interdite de retour. Les noirs ont-ils bien calculé en isolant cette pièce? Les blancs vont essayer de montrer que non. Mais ils doivent faire des concessions pour fermer le piège. Ils fuient l’échange des dames, notamment. La tour demeure, par Horus, et pèse de plus en plus. Finalement les blancs doivent l’échanger. Et le prix à payer est une petite qualité. Après, le jeu noir, précis, royal, un brin festival, ne laisse aucune chance aux blancs. Une rude partie quand même. Le score est de 4 à 1.
Pascal au 2 avec les noirs continue de voyager avec sa française. Il ne s’explique pas comment, un jour, quelqu’un est venu et lui a joué la variante qu’il déteste le plus. Il n’avait joué qu’une partie sur cette variante et elle n’était dans aucune base. Comment a-t-on su? Les bières d’après match font ressortir cette vieille affaire et sont toujours aussi impuissantes à l’expliquer. Aujourd’hui, on lui joue une française, avec Fd2 et Fc3, assez rare. Pascal prend l’avantage en fin de milieu de partie et transite dans une finale de tour qui doit apporter pas moins que la nulle. Mais c’est lui qui doit lutter un peu pour y arriver. Un nulle importante qui fait passer arithmétiquement la victoire dans le camp du Vésinet.
Il reste encore Stephen au 1 qui a les blancs et Etienne au 2.
- Stephen et son adversaire sont dans une sorte d’Anglaise. Il existe un phénomène curieux, réel ou pas : la pression invisible (invisible pressure). C’est quand, pour un kibitz, l’extérieur n’est pas conforme à l’intérieur. Le kibitz explique : rien ne montre parfois que l’un des joueurs subit une grosse pression, une torsion, la sourde énergie, invisible, des continents (kibitz tectonic torsion). Il en résulte, à un moment, un soubresaut brutal (un volcan ?) sous la forme d’une prise de risque ou d’une concession stratégique ou matérielle. Parfois aussi il peut s’agir d’autre chose qui fait prendre à la partie une brutale orientation. Toujours est-il que dans cette partie, le temps de dire au chien « dors », les blancs ont brutalement la petite qualité de plus, leur pion h2 a sauté et il y a des menaces en deux coups dans tous les sens, surtout pour les blancs. Stephen tient la victoire. Mais, loin de se décourager, l’adversaire y croit. Il a raison car il finit par obtenir la nulle par échec perpétuel. L’arithmétique s’accroît.
Sous le charme. Comment ne pas admirer ces jeunes et comment ne pas les craindre en voyant leur jeu. Des gambits partout, voulus, pour la plupart, des positions sans complexe, fraîches et pleines de pièges, comme des pommes du jardin.
- Et quelle ténacité ! L’adversaire d’Etienne va se battre jusqu’au bout. C’est une sicilienne qui s’est muée en française. Une partie complexe. Etienne ne s’en laisse par compter par la fougue noire à peine contenue. Ceux-ci font une simple erreur, un coup intermédiaire pas bien regardé, et l’échange des dames donne un avantage au joueur du Vésinet. Le reste va être une finale longue, scandée par les échanges qui parfois rendent un pion, un chemin que trace Etienne pour s’approcher de plus en plus de la finale de tour gagnante.
Victoire 5-1
Le Vésinet – Lutèce Paris Echecs
f JESSEL Stephen 2334 – CHANDESRIS Ludovic 2251 : 0,5
f DESLANDES Pascal 2281 – f LAMORELLE Julien 2306 : 0,5
ADAM Etienne 2200 – RODRIGUEZ Adrien 2171 : 1-0
f RABEYRIN Jean-Jacques 2193 – LUX Hugo De Melo 2027 : 1-0
DIVIES Renaud 2087 – ALBARIC Etienne 1992 : 0-1
CHEYMOL Eric 2087 – VLACHOS Anatole 1918 : 1-0
CHAUMONT Adeline 2023 – HORTION Donat 1911 : 1-0
HARRISON Marc 2019 – BEDA Salome 1841 : 1-0