N1 – Il faut sauver le soldat Adrian

Ca a débuté dans un Trafic gris, à huit joueurs prêts à aller se bagarrer dans le Far-Est. Pascal au volant, Philippe co-pilote, deux rangs de trois derrière. Impossible de savoir d’où vient l’enthousiasme de l’équipée sauvage. On se laisse dire qu’il faudra battre Mundolsheim et prier contre Mulhouse. On sera fixé sur la physionomie de nos adversaires du samedi dans à peu près sept heures, après avoir croisé les doigts pour arriver bon-an mal-an à l’heure.
Dedans ça discute. Les souvenirs de l’enfance ressurgissent. « Quand est-ce qu’on arrive? », « On est loin? »… Devant ça discute à voix basse, façon bons élèves, personne ne perçoit rien à cette petite langue d’initiés. Au second rang on fait tampon entre le duo pilote/copilote et les obsédés à l’arrière qui parlent principalement d’échecs et de foot. Une discussion à propos des noms de famille naît. Ce fameux Claude n’aura pas révélé son secret. Un soupçon (appuyé) d’origines arméniennes se voit réfuté a tempo par l’équipe entière. La blague prend corps. On soupçonne l’Evian d’être une eau d’Arménie, Kobe Bryan(t) d’être le ministre des sports et Lara Fabian la Marianne. Deux pièces de moins pour le narrateur, qui se résoud à son sort et met de l’eau au moulinian.

On choisit les grandes variantes des routes. L’A6 semble cette grande Ruy Lopez dont on joue 15 coups les yeux fermés avant de se demander pourquoi on le fait et surtout qu’est-ce qu’on fait arrivé là, quand les noirs en ont fait autant. Des soupçons germent quand on voit arriver de manière de plus en plus récurrente le panneau « Lyon ». Mulhouse c’est loin et puis ça fatigue la route. Mais quand même Lyon prend des annotations échiquéennes type !? puis ?! puis finalement ? et l’équipe se rend bel et bien compte que ça y est pour le retard. Il va falloir réussir à faire une halte pour marcher puis appeler l’arbitre et espérer qu’il ne déclenche pas les pendules avec la variante « tant pis pour vous les parisiens ». A priori ça va passer. On distingue tout à coup Mulhouse avec les yeux un peu remplis de brume et les jambes flagellantes. Ah oui, on doit aussi jouer un joueur de N1 locale à présent, qui aura sans doute mis 6 h 50 de moins à venir jouer ce jour-là…

m GENZLING Alain 2383 1 – 0 f JESSEL Stephen 2336
BODROZIC Tomislav 2421 1 – 0 f DESLANDES Pascal 2291
f SCHWALFENBERG Joerg 2296 X – X ADAM Etienne 2185
f MOHEBBI Jafar 2262 1 – 0 f RABEYRIN Jean-Jacques 2238
NASS Emile 2225 X – X CHEYMOL Eric 2067
FELGENDREHER Heiko 2224 0 – 1 SAGLIER Paul 2094
f BRIET Antoine 2195 1 – 0 GLOD Philippe 2139
GENZLING Sylvie 2051 0 – 1 CHAUMONT Adeline 1996

Même pas le temps de se dire que les soupçons étaient confirmés (que puisqu’ils nous recevaient et que nous sommes la « petite équipe » ou l’une d’entre elles, ils vont nous tomber dessus puisqu’ils sont chez eux) puisque nous sommes en retard et que les joueurs sont prêts à actionner les pendules. La salle est assez grande mais la disposition type « hérisson » des échiquiers et des matchs est suboptimale.

Sur les échiquiers dans l’ordre du souvenir, voilà à peu près la trame:

Adeline joue contre une adversaire qui a un elo un peu meilleur mais elle a les blancs et de l’expérience. Elle parviendra à rentrer avec des pièces lourdes sur les sixièmes et septièmes et mangera tout ce qu’elle pourra avec sa tour avant que le premier point ne rentre sur une Tarrasch, je crois.
A côté Philippe connaîtra une petite déroute sur une berlinoise avec les noirs. Son adversaire aura même manqué une ressource tactique qui ne fera pas changer le résultat de mains, malheureusement.
A côté encore les blancs jouent sur ordre du capitaine d4 Cf3 Ff4 assez rapidement avant de s’engager sur une drôle d’est-indienne. Les noirs veulent mater à l’aile roi et les blancs faire un carnage à l’aile dame. Comme dirait Short, sur l’est indienne si les blancs arrivent en premier ils gagnent une tour, et si c’est les noirs qui arrivent en premier ils matent. Gain des blancs ici.
Eric survit à une ouverture un peu douteuse, son adversaire refuse la nulle alors qu’il s’embourbe et le vésigondain parviendra à la sueur du front à prendre un demi point à un joueur à 150 elo au dessus de lui!
Au 4 Jean Jacques refuse une proposition de nulle semi-insultante, hallucine et fait périr sa dame sur la colonne a dans une espèce de Philidor « bizarroïde ». Après c’est plus facile pour les noirs, s’inspirant de la fameuse phrase de Grischuk qui dit « valoir 2800 avec une dame de plus »*(à suivre)
Au 3 Etienne la muraille estimera après la partie avoir peut-être raté quelque chose. Il signe quand même un bon résultat contre un joueur au elo supérieur au sien.
Au 2 rien de clair, mais il semble que Pascal le joueur-conducteur aura été consommé par les quelques 550+x bornes effectuées pour venir. Il plie contre un adversaire très sympathique qui dira après la partie l’avoir beaucoup respecté néanmoins.

Au 1 Stephen stephenise avec ph la phendule. La magie blanche n’opère pas cette fois-ci et avec une balle dans le pied il ne traversera pas le désert de la finale de tours indemne. Gain de cette phase « confiante » de la part des blancs.

C’est un demi coup dur. Ils étaient a priori prenables. Nous avons trop faim pour larmoyer.

C’est devant un fameux frühstück que le récit reprend. Adeline aime les madeleines chaudes. On sent que ça devrait l’inspirer avant de jouer Mulhouse. Changement de décor, cette fois c’est dans une salle très spacieuse du Mercure de Mulhouse que nous allons jouer. Contre cette équipe nous nous faisons moins d’illusions. La veille, ils avaient un joueur de 17 ans et 2515 elo au 1. Seulement.

f JESSEL Stephen 2336 X – X m GLEDURA Benjamin 2515
f DESLANDES Pascal 2291 X – X m LERCH Patrice 2404
f RABEYRIN Jean-Jacques 2238 X – X f LUTZ Bernhard 2309
ADAM Etienne 2185 0 – 1 BLUM Nicolas 2166
GLOD Philippe 2139 0 – 1 f VIENNOT Dylan 2226
SAGLIER Paul 2094 0 – 1 f BURRI Quentin 2222
CHEYMOL Eric 2067 0 – 1 GATINEAU Yovann 2076
CHAUMONT Adeline 1996 1 – 0 ff RICHARD Emma 2074

Les conditions de jeu sont nettement nettement meilleures. Qu’est-ce que ça signifie sur les échiquiers? Rien. Tout semble aller assez vite ce jour-là.

J’entends assez rapidement que Pascal et Jean-Jacques font nulle contre deux adversaires mieux classés. Forcément une bonne nouvelle. C’est derrière que ça coince malheureusement.

Adeline sort très curieusement de l’ouverture. Au terme d’une partie digne de plusieurs tours de Houdini (pas le logiciel mais bien le magicien). Escapologie. La science du j’m’échappe. Dans un grand 8, Adeline aura le dernier mot. L’auteur de ces lignes s’estime inapte à commenter cette partie qui doit forcément être TRES intéressante!
Eric joue un début assez curieux contre un sosie d’un nouvel habitué du top 10 mondial. Il me semble qu’il tombe dans une position qui ne semblait pas géniale-géniale.
Au 6 Paul joue son premier 1.e5. A priori faisant n’importe quoi dans l’ouverture (une fois n’est pas coutumian). C’est néanmoins pas là que son adversaire fait la différence. Les noirs jugent que les blancs se dirigent vers une finale égale ennuyeuse et annulante. Halte là! Les forts voient loin. Un fou-clou en b6 empêche aux noirs de respirer convenablement. Une mini tactique garantit un adios propre et définitif.
Au 5 Philippe s’en voudra. Il aura clairement loupé son adversaire qui aura a priori joué de manière approximative l’ouverture. Week-end sans pour « Le Professeur » probablement écumé par un interminable voyage (son tour de conduite n’était pas encore passé…)
Au 4 le capi-Etienne tentera d’embrouiller la position quand celle-ci aura l’air de prendre un mauvais tour. Embrouiller une position n’est pas à la portée de tout le monde (je sais de quoi je parle, je meurs toujours en silence sans trop remuer…). Il aura presque réussi. L’analyse aura duré un moment après la partie. Nous ne disposons pas des conclusions actuellement. S’adresser à Mr Stock Fish pour de plus amples informations.

Au 3 Jean-Jacques troquera son o-o-o fétiche pour un o-o ce jour-là. Il prendra la nulle dans une position de laquelle il n’était pas sûr du tout. Occupé à perdre avec panache sur mon échiquier, je n’ai pas pu obtenir la photo finale, mais je ne mets pas en doute l’expertise du vésigondain.

Au 2 une amusante histoire dans la partie de Pascal qui joue un joueur qui se souviendra de lui. Pascal imprime des souvenirs à ses adversaires, et la réciproque n’est a priori pas faite. Après la partie, la reconstitution du contexte historique rappellera à Pascal ce fameux championnat à Sucé-sur-Erdre, ce fameux adversaire, etc. Bon résultat, insuffisant en ce jour de quasi-disette vésigondine.
Au 1 Stephen joue contre ce fameux petit fort à 2515 elo. Il joue l’ouverture à la quasi perfection tout en trouvant les coups sur l’échiquier, ce qui a sûrement le don de vous faire mal au coeur. Stephen gère sa pendule de façon inhabituelle, c’est à dire bien. Il se doute qu’il va être du côté obscur de la finale dans laquelle il va devoir se battre pour survivre. Son adversaire tentera de le « Magnusser » (comprendre: torturer jusqu’à ce que l’apoplexie arrive) jusqu’au bout, sans passer. Nulle de caractère de Stephen.
C’était donc la double secousse. Il restait encore 600 kilomètres. C’est Philippe qui prend les commandes du vaisseau au retour.
L’ordre des places a un peu changé. On aura établi que la place arrière gauche du van était perdante, que celle du milieu était gagnante. On remplace Etienne et Paul qui auront de toute façon perdu ce dimanche. Plus trop d’importance. Ca discute ça discute. On aura tenté de résoudre des énigmes à l’aveugle, de se rappeler les fameux oiseaux sauvages des opens parisiens, de passer le péage en fraudant, de dépasser les 120 km/h. On aura tenté des tas de choses. Ce week-end là, les alsaciens nous attendaient et on a manqué de souffle. On aura l’occasion de se refaire!

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