Spassky n’a quitté que tardivement ses lunettes noires, quand ça a commençé à chauffer l’après-midi. Il les avait au repas de midi alors qu’il faisait honneur à la table dressée pour lui et quelques personnalités aux Pyramides.
Tous les participants de l’open, la veille, étaient invités à profiter des installations des pyramides le dimanche matin. Certains en ont profité et, entre deux suées, deux longueurs de bassin, deux grands écarts ou à travers des vapeurs de hammam, ont pu entrevoir le champion, déjà là, tout en retenue et très bien entouré.
Les huit premiers de l’open étaient qualifiés pour cette simultanée. On y avait adjoint sept personnalités.
La nuit a été courte pour certains qui ont cédé aux sirènes de la préparation avec ChessBase.
Seul contre quinze joueurs, dont une dizaine de 2000 et 2200, même avec les blancs, c’était un rude challenge. Le match a commencé à 15 h et s’est achevé vers 19h.
Philippe fait une nulle remarquée dans un gambit du roi accepté. Plus tard Eric fait nulle aussi. Christophe et Jean-Marc s’inclinent au bout de quatre heures de jeu. Deux joueurs, pas forcément les meilleurs sur le papier, forcent l’abandon de Spassky.
Bilan final 10 victoires, 2 défaites, 3 nulles.
Au-delà du résultat, ça a été un grand show. Dès qu’il se mouche, c’est déjà un petit show pour nous. Ayant abandonné ses lunettes, parfaitement naturel, il n’a pas eu besoin de surjouer. Il a ronchonné un peu, chambré aussi (il ne faut jamais, jamais proposer nulle quand on joue contre lui comme ça) marmonné dans sa barbe, s’est interpellé lui-même, en russe, en anglais (quand il jure en russe ce n’est pas bon pour vous). Cabot, il commentait de plus en plus les positions avec des « right », des « like better », et des bouts de phrases où le mot « find draw » semblait apparaître, ce qui ne manquait pas de troubler le cœur du malheureux en face. Il a réclamé des pauses, qu’on lui apporte son fauteuil, le silence. Et puis il a distribué, suffisamment rarement pour qu’on en soit à chaque fois saisi, son incroyable regard bleu.
De grands moments qui resteront gravés en chacun de nous, joueur ou spectateur.
Photos d’Eric Cheymol
Photos de Marc Harrison
Dans la presse (10/12)