La voiture grimpe toujours. Les occupants sont silencieux, les yeux rivés plus haut, sur la neige qui tombe. Une mauvaise neige, légère, couvrante, qui a commencé à tomber juste avant qu’ils ne se réveillent.. La voiture patine puis s’immobilise. Cette fois encore elle ne s’échappera pas de la rampe du parking souterrain. Pas assez d’élan. Elle redescend en arrière, doucement. Il faut rester dans l’axe, atteindre le bas sans se mettre de travers. Il y a l’ordinateur dans le coffre, il faut recommencer.
A quelques kilomètres de là, un homme sur le pas de sa porte regarde autour de lui. Pas un chat. Le ciel est bouché là aussi. Il ajuste son bonnet. Il ne sait pourquoi il pense au danger, aux hommes qui partent et que ni les cris ni le silence des siens ne savent retenir. Sa femme, son fils dans les bras, n’a presque pas pleuré. Il se secoue, il a l’imprimante, il doit y aller. Les voitures sont alignées comme des cercueils blancs. La sienne peut-être, avec un coup de chance, ne démarrera pas.
Partout pareil, on se met en branle. A petite vitesse, on trace la route. Les flocons sont des ennemis sans nombre que les essuie-glaces balaient rageusement. On croise quelques phares. On pense à Marco Polo. Il y a d’autres gens qui ont aussi de mystérieuses raisons de sortir. On a visionné la route dans sa tête et calculé un itinéraire sans descente ni montée et autant que possible sans virage.
Même dans le RER, on n’est pas très fier. On s’attend à tout moment à un arrêt définitif, la micheline bloquée par une congère. Et il a fallu rejoindre la gare. On n’est que le matin mais on a déjà fait le plein d’anecdotes qu’on racontera aux amis tout à l’heure, à la famille plus tard. Le soir, qui n’est généralement jamais très loin, semble cette fois un point très éloigné dans le temps. L’esprit l’identifie de façon floue, comme un objectif inaccessible. Il va forcément se passer tant de choses. Quand et comment reviendra-t-on? Le tournoi aura-t-il seulement lieu? Sera-t-on le seul à être bêtement arrivé?
Non, on sera 75! Un chiffre incroyable pour un jour comme celui-là. Ce dimanche 19 décembre 2010 placera les joueurs d’échecs dans une catégorie à part sur le plan de la ténacité, loin devant les musiciens, les artistes mais toujours derrière les pêcheurs et les collectionneurs.
25 des 90 inscrits ne viendront pas mais 10 nouveaux joueurs s’inscriront le jour même!
Ces problèmes d’acheminement ont accentué le côté régional de la compétition. Il y a 26 jeunes et 49 adultes dont 15 vétérans. On compte 7 féminines.
Les favoris sont 3 jeunes, du niveau 2300 en rapide : Jeremy PIETRASANTA, Borya IDER, le meilleur élo, et Paul SAGLIER, le redoutable joueur local. Des 2200 expérimentés espèrent bien leur damer le pion et notamment Stéphane LABORDE et pourquoi pas Philippe GLOD du Vésinet, souvent placé. Mais il faut compter aussi avec la talentueuse et battante Moldave Xénia LAZO et Renzo SOTELO qui espèrent bien faire « quelque chose ». Et il y a M. FERRY qui honore à chaque fois le tournoi de sa présence.
Les choses partent bien pour Philippe GLOD qui stoppe net Paul SAGLIER, Xénia LAZO et surtout Borya IDER. A l’inverse de Borya, Paul remonte petit à petit la pente avec notamment une victoire sur Renzo SOTELO et son tournoi s’achève sur une nulle à l’échiquier n°1 contre le vainqueur, Jeremy PIETRANSANTA. Le joueur de Bois-Colombes a paru intouchable. C’est d’ailleurs lui qui annihile les ambitions de Philippe GLOD qui finit 3ème. Stéphane LABORDE est deuxième.
A noter la présence des jeunes sœurs IMPEROR, du club de Gif, qui progressent toujours et qui terminent ensemble (42 et 43eme).
Le soir, les routes sont redevenues praticables avec le redoux relatif. Dans la journée déjà il n’a échappé à personne que ça s’améliorait. Le ciel même est redevenu bleu et le soleil un ami.
L’équipe organisatrice se félicite d’une journée comme celle-là. Les conditions invraisemblables n’ont fait qu’égratigner la fête. La fidélité des participants, leur volonté de venir jouer sont aussi le signe de leur confiance en l’organisation et dans les conditions de jeu de ce tournoi. C’est vraiment très gratifiant. Nous les en remercions comme nous remercions la mairie, les bénévoles de la buvette et l’arbitre venu de si loin. Merci aussi aux légions du Chesnay, Maisons-Lafitte et Sartrouville.
Grille américaine
Les primés
Les photos du tournoi sont disponibles ici :
http://photo.macshogi.com/index.php?album=echecs%2F2010vesinet
Photos d’Eric Cheymol