Tu parles d’une partie…
Avec mes 1760 ELO, alors que je me fais appeler » Môôôsieur-vous » par la moitié de mon équipe, je domine de 200 points n’importe quel joueur de ce match. La ballade. Limite erreur de casting ! Face à moi, est assis un gars qui a dû jouer Alekine au Café de la Régence ou peut être même Philidor tellement je lui rends d’années. En plus j’ai la fraîcheur ! La jeunesse !
En regardant autour de moi je constate que de part et d’autre nous avons une moyenne ELO à peu près équivalente mais certains joueurs adverses nous dominent de 40 ans ! Chapeau bas !
Bref, j’engage tambour battant en jouant à tempo cette formalité qui doit tourner à la leçon.
Entre deux coups, j’échange quelques mots avec Bruno à qui j’ai l’intention de laisser la capitainerie pour cause majeure de manque de sommeil. Celui-ci refuse, tenant son adversaire par la gorge et le terrassant après seulement 10 coups joués ! Le feu d’artifice commence, ça devrait faire 1 point !
Je retourne à ma place… Tiens donc ! DxCf3 et le clouage du seul pion sur le roi qui défend le cavalier me laisse une pièce de plus. Trop cool, je ne me rappelais même pas avoir été aussi mauvais. Un vague parfum d’Austerlitz, ça sent la poudre.
François gagne une pièce, je le connais, il n’est pas du genre à gaffer ça fera 3 !
Christophe développe une méchante attaque sur le flanc dame, pas de problème ça fera sans doute 4 !
Robin a une position avantageuse … peut être bien 5 !
Et Robert … Robert perd ! Après tout, la combinaison était fort profonde. En gagnant la pièce Robert créée chez l’adversaire un pion magique. A chaque fois qu’il l’avance, c’est une mine qui pète dans les mains de Robert…
Abandon normal. Mince ! 5-1 sera une bonne consolation quand même.
Je me rassois et constate que ma combinaison était pourrie, pourrie façon décharge sauvage même pas recyclable. Je me retrouve avec un pion de moins dans une position inférieure… Diable ! Je réalise ma bévue… La sous-estimation ! Jusque là je n’avais pas eu, aidé par mon modeste niveau, à vivre cet état d’esprit et je me rends compte à cet instant de la perverse difficulté pour mes adversaires habituels de se voir chahuté par un freluquet dans mon genre.
C’est à cet instant qu’apparaît au-dessus de l’échiquier Mon cher Président Glod sous la forme d’un spectre, d’un fantôme. Il survole l’échiquier de son air sévère des mauvais jours et avec un regard désapprobateur. Façon guru il porte entre ses mains le fascicule qu’il nous a présenté la veille: le nouveau règlement interne du club, directement inspiré du » manuel de l’inquisiteur » en vente dans toutes bonnes librairies.
J’en frémis. Le jugement sera sans appel et je me souviens, pour les avoirsparcourus, des sanctions que je risque si je devais perdre la partie:
– Nettoyage de la salle des anciens combattants avec la feutrine d’un pion,
– Lapidé sur le perron à coups de pièces de bois par les membres du club !
– Brûlé vif dans la cheminé par ses propres feuilles de parties !!
– Enseveli sous une montagne de pendules mécanique jusqu’a en devenir sourd !!!
Et la plus douloureuse :
– Réciter à l’envers toutes les parties du Président enregistrées dans Chessbase en criant » VIVE LE PRESIDENT INQUISITEUR ! » à chaque coup.
Arrrrrrrrrgh !!!!!
Fin du cauchemar.! Je joue et me lève pour aller voir mes équipiers.
– L’attaque de Christophe s’essouffle, peut être à t’il eut la même vision que moi ???
– François continue à dépecer son adversaire méthodiquement.
– Bruno planche avec une pièce de moins mais des pions de compensation…Bruno, à ton anniversaire tu auras un bouquin de finales !
– Robin agonise avec une tour en moins mais une position favorable… haaaaa le jeu positionnel de Robin….
Et Robert sort son FritzDePoche pour analyser les parties dans son coin avec l’irréprochable discrétion du connaisseur qui sait s’effacer.
Pas après pas, j’arrive en finale avec une position rétablie et un pion de plus. Il a un fou en principe favorable mais pas bon du tout et opposé à mon cavalier tout près à s’exprimer… et qui m’inspire. Je vois une combinaison salvatrice qui me permet de d’échanger son fou contre trois pions et une finale simplifiée et gagnante à l’horizon.
Terminé pour Bruno qui a essayé de pousser le pion h jusqu’à promotion. Hélas. Capturé.
Terminé pour François qui gagne finalement. Très finalement d’ailleurs car l’adversaire abandonne devant l’évidence seulement.
Robin regagne la pièce suite à une gourde de son adversaire (ouf). Bravo pour la combativité !
Christophe s’est installé à Genève avec un casque bleu et nous joue un remake de 14-18 à Verdun… comment trancher ? Nulle ?
Ca y est ! Je le tiens ! La réalité c’est que ma claque de début de partie m’a remis sur les rails!
Reste maintenant Robin que je donne gagnant et Christophe qui va voir le nouveau capitaine (Bruno) car il considère sa position nulle.
Finalement, mon cavalier se gave de pions, provoque une arnaque dans laquelle mon adversaire tombe avant d’abandonner, épuisé. » Et si je n’avais pas fais cette erreur j’aurais pu aller à dame avec ce pion ? » m’interroge t’il …
J’ai un doute ? Il a raison ? peut être que ma finale était perdante en fin de compte … pas grave… un point c’est un point !
Vu que j’ai donné la capitainerie je m’éclipse avec François et j’aurais les résultats par téléphone…
Le reste, je ne suis pas au courant ! J’insiste… je ne suis pas au courant! Le prochain match, se fera en mon absence, il faudra compter sur le roman d’un autre, et un autre capitaine aussi.