Echecs : le point sur les connaissances (en 1854)

Dans le  « répertoire des connaissances usuelles «  ( 8ème édition, sous la direction de William Ducket , 1854),  à la rubrique « Echecs », la définition suivante est citée à propos des échecs :  » ce noble jeu de l’esprit, dans lequel rien n’est abandonné au hasard, ce jeu auquel on se livre sans aucun motif de cupidité puisque l’on cherche toujours à se mesurer avec plus fort que soi . »

C’est bien dit.  Nous sommes incités à poursuivre….  Et le volet « échecs » de ce monumental inventaire raisonné est riche d’informations:

Sur les règles : « La dame ou la reine dans l’origine ne pouvait s’écarter du roi à plus de deux cases. Elle partageait comme le sérail de Darius sa bonne ou mauvaise fortune. On lui a donné ensuite cette marche multiple qui lui permet de s’avancer d’une extrémité de l’échiquier à l’autre, soit carrément, comme la tour, soit obliquement, comme le fou, en lui accordant en un mot l’allure de toutes les autres pièces, le cavalier excepté. Les Italiens ne roquent pas comme nous, lorsque la tour qui doit se mouvoir est du côté de la dame. Le roi, faisant trois pas, prend la place du cavalier, et la tour se met à la case du fou. Dans les parties française, allemande et anglaise, le roi ne fait que deux pas, soit à droite, soit à gauche ; la tour du roi prend en roquant la place de son fou , et la tour de la dame prend la case de la reine.
On voit par le poème de Gregorio Ducchi sur les échecs (II Giuoco degli Scacchi) qu’autrefois le pion ne devenait pas dame en arrivant au terme de sa carrière à la bande opposée, mais lorsqu’il parvenait à remplacer la dame de sa propre couleur sur la case même où elle avait succombé. « 
.

Sur les pièces : « Le pion, en indien, signifie valet ou soldat combattant à pied; les Espagnols en ont fait peon, les Italiens pedone, ou piéton ; les Allemands appellent cette pièce bauer, paysan; et les Anglais, man, simple soldat.
Les Indiens appellent la dame phars ou fers, c’est-à-dire général. La position des fous à proximité du roi et de la reine est sans doute ce qui leur a fait donner par les Maures d’Espagne le nom d’al ferez, c’est- à dire aides de camp du ferz. Les Italiens en ont fait al- fiere. On dit que les Orientaux représentaient jadis le fou par un éléphant appelé fil. On sait que dans le commerce des côtes de Guinée l’ivoire s’appelle mur fil, dent d’éléphant. De ce mot fil est venu le mot espagnol moderne arphil ou delphil. Nos vieux poètes trouvères donnaient à cette même pièce le nom d’auphin ou de dauphin ; les écrivains latins de l’époque l’appellent arphillus. C’est dans le roman de la Rose que la dénomination de fous est donnée pour la première lois aux deux pièces voisines du roi et de la reine.

L’abbé Roman dit à ce sujet dans son poème des Échecs :

Au jeu d’échecs tous les peuples ont mis
Les animaux communs dans leur pavs :
L’Arabe y met le léger dromadaire,
Et l’Indien l’éléphant ; quant à nous , peuple falot,
Nous y mettons des fous.

Le nom qui conviendrait le mieux aux fous serait celui d’archer selon Vida à travers son poème Scacchia ludis. Dans l’échiquier de Charlemagne, conservé au trésor de Saint-Denys, le fou était représenté comme prêt à décocher une flèche. Les Anglais appellent la même pièce bishop ou évêque ; les Allemands la nomment laufer ou coureur. Le cavalier a une dénomination analogue dans toutes les langues, excepté en allemand , où l’on dit springer, sauteur. Le privilège accordé au cavalier de sauter pardessus les autres pièces, semblable à la cavalerie qui, par ses manœuvres rapides, pénètre entre les divisions d’infanterie, les tourne ou les renverse par son choc redoutable, fait de cette pièce, entre les mains d’un joueur habile, l’instrument le plus important. »    (à méditer)

Parties à Handicap : « Lorsque la disproportion de force entre les joueurs est telle que l’avantage du trait, d’un pion ou même d’une pièce, ne rétablirait point l’équilibre, on fait une partie fort difficile, celle du pion coiffé. Le pion que l’on désigne par une petite couronne de papier est la seule pièce qui puisse donner l’échec et mat. Si l’adversaire parvient à s’en emparer, son triomphe est assuré. « 

Encore une vérité : « Pouvoir se mesurer avec un adversaire de même force, condition sans laquelle il n’est pas de plaisir pour le véritable joueur d’échecs. »

Nous étions en 1854 en un temps où nous pouvions trouver en édition originale « l’ouvrage remarquable par sa clarté et par le choix des parties » du comte de La Bourdonnais. « 
L’encyclopédie aborde les études et parle ainsi de ce livre :
« C’est dans cet ouvrage qu’il faut étudier ce qu’on appelle les coups de ressource, et chercher les meilleurs moyens pour donner, recevoir ou éviter le gambit. En italien , gambitto signifie croc-en-jambe, et l’on ne peut mieux exprimer cette amorce hardie, qui consiste à sacrifier un pion pour conserver l’attaque. Les italiens se défient de sa hardiesse. »
Et l’inventaire nous conseille enfin:
« Il faut étudier dans les anciens ouvrages du Calabrais, de Cunningham, de Slamma, de Lolli, et surtout dans Philidor. Jaenisch a publié ( Saint- Pétersbourg, 2 volumes, 1S42-IS43) une Analyse nouvelle des ouvertures dit « jeu des échecs », qu’on consultera aussi avec fruit. »

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