Ce match se joue à Bois-Colombes. Dans les locaux fonctionnels de ce club, on respire un bon air. On reconnaît un grand club à la galerie de portraits qui orne les murs: les champions sont bien là, immobiles dans leur cadre. Il y a un Tal exalté, un Botvinnik d’âge mur et un Spassky inconnu qui sourit au fond de sa gravure ancienne.
Ce club est en bonne santé et forme avec bonheur les champions de demain. Leurs styles témoignent d’un travail où se retrouvent rigueur et pragmatisme. Cette pouponnière fournit toutes les équipes, celle qui nous est opposée et celles qui joueront en même temps en N4 et N5.
Bois-Colombes a perdu deux fois en N2 depuis le début mais a redressé la Barre contre Malakoff. L’équipe est jeune donc, pas spécialement décontractée mais inhabitée de crainte. Malgré 100 pts de moins par échiquier, ils ne s’affoleront pas. Ils savent devoir leur salut aux techniques apprises, aux méthodes à appliquer dans les différentes phases de jeu et à la stratégie que leurs entraîneurs ont mis en place pour contrer une équipe vieillissante comme nous.
Nous allons jouer contre leurs professeurs! C’est le Vésinet qui devrait trembler.
1B JESSEL Stephen 2293 – SAMOUN Florent 2155 : 0.5
2N LARGE Laurent 2242 – TOMA Michal 2219 : 1-0
3B CHEYMOL Eric 2183 – DIONISI Thomas 2192 : 0-1
4N GLOD Philippe 2173 – LEMEILLE Francois 2049 : 0-1
5B BONNAUD Remy 2163 – BENSAID Alexandre 1999 : 1-0
6N IMBERT Christophe 2094 – GUERLACH Frederic 2042 : 0-1
7B CASTAIGNET Laurent 2174 – RACHID Danial 2053 : 0.5
8N CHAUMONT Adeline 2019- CWIEK Perrine 1816 : 1-0
Avec les blancs, Stephen érige sa Réti habituelle, façon Légo. Ca ne cherche pas à écraser, juste à récolter les fruits de la précision, le moment venu. Si l’adversaire ne cède rien, la pression monte. Les noirs minimisent les pertes cette fois: une qualité, inopérante espèrent-ils, dans une finale avec deux pièces mineures. C’est bien exécuté et le final qui amène la nulle mérite un diagramme.
Laurent est un adepte de Karl Robatsch qui joua dans les années 50 un système Pirc basé sur les cases noires et l’affaiblissement des pions blancs. Il faut une grande détermination ou un sextant pour déjouer l’emprise arachnéenne des noirs. C’est longtemps compliqué et quand ça redevient simple il y a deux pions de moins, liés, pour les blancs. Encore un point pour le joueur du Vésinet qui n’a pas perdu une seule fois la saison dernière et qui semble décidé à continuer cette année.
Eric souffre vraiment dans cette Alapin (Sicilienne avec c3), la variante où d4 est isolé. La lutte passerait non par les pièces mais par les pions et l’attaque de minorité. En face avec les blancs, c’est Thomas Dionisi, ex-prodige du Vésinet dont le talent explose en ce moment. Après la perte d’un pion, malgré son tempérament de lutteur, Eric ne peut rien contre le calme et les simplifications adverses.
Philippe avec les noirs dans une berlinoise (Fb5 Cf6) est épaté par la maturité de son jeune adversaire qui ne se laisse aller à aucune tentation d’expansion ou de gourmandise dans cette ouverture qui peut être piégeuse. C’est finalement Philippe qui craque à force d’attendre. Il succombe sur un seul coup de l’enfant, rapide et mortel, alors que la position est quasiment égale.
A cet échiquier, une Alapin encore. La colonne C et l’aile dame font l’objet de toutes les attentions. On manœuvre. Finalement Rémy occupe avec les cavaliers la case c5. Comme souvent, un brusque changement d’aile laisse les pièces défensives maladroites. L’ouverture vers le roi se fait par un sacrifice en e6 que voit plus facilement le joueur qui attaque. Rémy le joue instantanément et gagne peu après.
Christophe avec les noirs aime bien cette Est-Indienne avec h3 rapide. Les blancs ayant affaibli encore l’aile roi par g4, les noirs s’autorisent à penser qu’ils y auront l’avantage. A cet effet ils bloquent l’aile dame. Une aubaine pour l’adversaire qui n’a pas pas roqué. Ce front en moins leur permet de se consacrer à l’Est. Les hostilités brutales commencent par un f5 noir contre le cours du jeu. Le roi noir est mêlé à la crise et le sauvegarder empêche les pièces noires de se mouvoir librement. Ils perdent une pièce et la partie.
Laurent joue une française d’avance dans laquelle il gambite. Plus tard malheureusement il doit concèder l’échange de son fou de cases blanches pour éviter d’avoir deux pions de moins. Mais sa position est plus libre et c’est lui qui oriente le jeu. Malgré une position avec Dame-tour-fou contre Dame-tour-cavalier où optiquement les blancs ont plus de possibilités, Laurent sait qu’il ne peut chercher mieux que la nulle avec son pion de moins. Les noirs sont resserrés certes, mais leur position se défend et ils le savent. Nulle
Adeline joue une Karo-Can avec les noirs. Grâce au fianchetto blanc l’adversaire met la pression sur le grand-roque de la joueuse du Vésinet qui doit patienter pour faire valoir sa supériorité. Il faut même l’expérience d’Adeline pour freiner les velléités de la jeune joueuse de Bois-Colombes. Le temps et la colonne h dont disposent les noirs feront leur œuvre mais jusqu’au bout la reine blanche essaiera de détourner les coups noirs destinés à son roi.
Score : 3-3
Avec les victoires de Rémy et d’Adeline, la défaite de Christophe, la nulle de Laurent nous menons 2-1. Eric n’a pas fini mais doit perdre.
A ce moment là, à 2-2, nous croyons gagner car il reste trois parties : Philippe qui doit faire nulle, Stephen qui a une qualité de plus et Laurent Large qui est en train de gagner. Malheureusement, avec la défaite surprise de Philippe et la nulle de Stephen, le sort en décide finalement autrement.