Echecs et Dames, une histoire commune… 5ème volet

VI) Bobby Fischer (Ton Sijbrands aux Dames): l’exception (1972-1975)

Cette année 1972 constitue, à elle seule, un point commun formidable au Jeu d’Echecs et au Jeu de Dames International. Elle marque, dans les deux sports, la rupture de l’ultra-domination soviétique. Cela est d’autant plus étonnant que, comme nous l’avons vu, le Jeu d’Echecs a très tôt eu une longueur d’avance sur son homologue Jeu de Dames International. Partant, il aurait été plus logique que l’éclosion du pendant de Fischer, Ton Sijbrands, ne se produise qu’une dizaine d’années plus tard.

C’est pourquoi nous parlerons, malgré tout ce qui a été démontré précédemment, de coïncidence. Coïncidence étonnante, qui aura des répercussions sur l’évolution des deux disciplines. Et pour cause, le sacre, en pleine guerre-froide, d’un américain, au titre de champion du monde des Echecs, devant toute l’armada soviétique, n’aura évidement pas le même impact politico-médiatique que l’avènement d’un néerlandais. Fischer aura été un fantastique et incontestable accélérateur de la popularité des Echecs (la vente de jeux doubla dans le monde!), creusant un peu plus l’écart avec le Jeu de Dames international… Apprécions le synoptique (non-exhaustif) de la carrière de deux monstres sacrés, chacun considéré par beaucoup comme le plus fort joueur de tous les temps dans son art respectif….

Les deux carrières sont étonnamment semblables; la précocité des champions, d’abord, l’accumulation des titre nationaux et continentaux à l’adolescence, et, bien-sûr, le titre mondial… Mais la comparaison ne s’arrête pas là. Si Bobby Fischer s’est retiré de la compétition après son sacre, scellant par cela son «immortalité», Ton Sijbrands, qui a arrêté ses études pour devenir professionnel très jeune, fit de même après avoir battu son challenger Andreiko en 1973, se consacrant à l’analyse de parties (les chroniques de Ton Sijbrands ont bercé et fait progresser plusieurs générations de joueurs de tous pays), la rédaction d’ouvrages, tous de référence de nos jours, et l’accumulation de records mondiaux de simultanées à l’aveugle (10 records depuis 1982, le dernier étant de 28 parties jouées, à l’âge de soixante ans, +18 -3 =7 !!!). Fait curieux, et unique à notre connaissance dans l’histoire de tous les classements sportifs mondiaux, Ton Sijbrands, en ne participant qu’à l’interclubs des Pays-Bas (championnat professionnel), et gagnant régulièrement ses parties dans cette épreuve, reste, aujourd’hui encore, le joueur en tête du classement mondial Volmac! Il fit une brève réapparition, en 1989, comme challenger du tenant de l’époque, le russe Alexeï Tchizow, soit dix-huit ans après son titre, faisant match nul sur l’ensemble des vingt parties jouées. Ce match fantastique marqua la planète damiste, comme étant sans doute le match le plus prestigieux de l’histoire. Après avoir mené jusqu’à la dix-septième partie par 18-16, Sijbrands perdit la dix-huitième par dépassement de son temps de réflexion! Les deux suivantes furent nulles et, en cas d’égalité 20-20, le soviétique conservait son titre… Fischer fit lui aussi son «come-back», pour un match revanche contre Boris Spassky en Yougoslavie, pourtant sous embargo américain, ce qui lui valu de risquer une peine de dix ans d’emprisonnement. Qualifié abusivement de «championnat du monde» par Fischer lui-même, ce match-exhibition (+10 -5 =15 en sa faveur), lui rapporta la bagatelle de 3, 35 millions de dollars….
A leur façon, Fischer et Sijbrands ont promu les Jeux d’Echecs et de Dames, les faisant mieux connaître au monde, et ont surtout, par leur talent, leur engagement et leurs revendications, parfois excessives dans le cas de Fischer, crédibilisé le professionnalisme de leur activité. Nous retiendrons que le Jeu d’Echecs et le Jeu de Dames International, et hormis une longueur d’avance dans le développement et le temps pour le premier, «cultivent» l’analogie jusqu’aux coïncidences les plus raffinées. De l’Egypte et l’Inde anciennes à la Perse, du monde arabe au continent européen, de l’Espagne au nord de l’Europe, puis l’URSS et la mondialisation… des millénaires de pratique pour aboutir au parallèle fantastique Fischer/ Sijbrands!


Note de l’auteur : on nous a fait remarquer un certain nombre d’imprécisions, voire, en quelques endroits, d’erreurs. La version définitive « d’Echecs et Dames .. » , corrigée, et par ailleurs augmentée, fera l’objet d’une édition papier et d’une nouvelle publication sur le site.

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