On ne dit pas cheval.. (suite)

Il y a peu nous écrivions, assez fièrement en vérité, qu’aux échecs on ne disait pas cheval mais cavalier et non pas Reine mais Dame et qu’on distinguait ainsi le vrai joueur de club de l’amateur, celui qui a appris à jouer avec un père médecin trop occupé pour ouvrir un bouquin et pousser la porte d’un club.

Après la lecture de ce qui suit, ça reste vrai, mais un peu moins…Que penser de celui qui dit « bourrin » (piètre monture) qui est la probable signification du mot latin « caballum » , tout à la fois ancètre de « cheval » et de « cavalier ».

Philippe nous en dit plus et s’intéresse de près à cette affaire de ..pluriel!

  • Une histoire bien longue et compliquée pour un  » corpus  » de significations : cheval, cavalier , équitation … etc

Le terme  » cheval  » est issu de  » caballum « , forme populaire du latin  » equus « . L’on suppose que l’expression aurait pu désigner un cheval quelconque voire un mauvais cheval. Le terme fût bien sûr introduit par les romains lors de la conquête de la Gaule. La langue latine pratiquée sur ce territoire s’est modifiée avec le temps. Ces modifications phonétiques sont d’ailleurs identifiées et précisées dans des règles définies par les linguistes.

Ainsi dès le Ier siècle après JC, le  » b  » de caballum a commencé à être prononcé  » v  » par nos ancêtres. La transformation complète fut réalisée vers le IIIème siècle.

A la même époque, la prononciation du  » m  » final a donné des signes de faiblesses. Les gallo-romains ont rapidement supprimé les consonnes finales sur l’ensemble des mots de la langue.

Puis vers le Vème siècle, la première lettre du mot (le  »  c  » ) a aussi commencé sa transformation phonétique ; sa prononciation est passée à approximativement   » ts  » et a terminé par  » ch  » à partir du XI ème siècle (règle de palatisation des consonnes c et g).

Cette métamorphose fût logiquement accompagnée du changement de prononciation du 1er  » a  » en  » e  » ( loi de Bartsch : action fermante d’une consonne palatale).

En parallèle, la grammaire latine a subi des transformations au contact de gaulois pas vraiment lettrés et bien loins de Rome : pour mémoire, le système des déclinaisons de la langue latine comprend 6 cas qui sont : Nominatif, vocatif, accusatif, génitif, datif et ablatif alors que le système qui a émergé en Gaule romaine au cours des premiers siècles après JC ne comprenait plus que deux cas :  Sujet et régime.

Ainsi pour reprendre l’exemple du cheval, un habitant du territoire dominé par les Francs au cours du VIème siècle aurait pu écrire les phrases suivantes :  » un chevals est fort  » ( cas sujet au singulier ) et  » j’ai vu un cheval  » (cas régime au singulier) mais aussi «  j’ai vu des chevals  » (cas régime au pluriel). Le  » s  » final de cheval n’étant que la  » survivance  »  des cas latins nominatif pour les sujets et accusatif pour les compléments.

Sous les mérovingiens et à partir du VIIème ( action finalisée au XIème siècle ), une transformation a touché l’ensemble des lettres  » L  » situées avant une consonne. Le  » L  » s’est  » vocalisé  » par un  » u « , le terme employé par les linguistes est : la vocalisation du L vélaire. Ainsi dans le cas régime et pluriel nous avons eu droit à : chevaus.

L’ensemble de ces transformations phonétiques ne s’appliquèrent que pour la langue d’Oïl ( grosso modo les provinces situées au-dessus de la Loire). En dessous de la Loire, la langue d’Oc bien moins en contact avec les langues germaniques, comportait aux mêmes époques plus  » d’archaïsmes  » latins.

Au XIIIème siècle les deux déclinaisons ayant disparues (cas de figure de notre langue actuelle), il a été décidé de conserver la forme régime et pluriel pour indiquer qu’un mot était au pluriel.
Lors du moyen âge  les scribes avait pris pour habitude (pour limiter le temps de recopie) de remplacer l’ensemble des lettres  » us  » situées en fin d’un mot par la lettre  » x « .
Nous avons eu donc des manuscrits avec une transcription de notre cas régime et pluriel : chevax a remplacé chevaus.
Puis après l’invention de l’imprimerie on a  » remis en place  » le u qui avait disparu des écrits, mais pas supprimé le  » x « !  On a donc vu apparaître : chevaux pour indiquer le pluriel de cheval.

Il s’agit là d’un exemple de la lente et constante modification de notre langue !!

( synthèse d’informations de plusieurs livres et dictionnaires en espérant ne pas être trop  » hors du coup  » n’étant qu’un apprenti linguiste !)

 

PG

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Une réponse à On ne dit pas cheval.. (suite)

  1. JEGO dit :

    Merci Philippe pour ce grand moment aussi intéressant qu’instructif !!!

    Amicalement – un ancien membre ;o)

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